Le groupe

Un chanteur parisien, un vrai de vrai, né à Montmartre, à deux pas des marches du Sacré-Coeur où Polnareff chantait "La poupée qui fait non" pour les touristes en goguette, au joli temps des utopies beatniks...
Quand on a un père peintre, et qu'on vit donc à Montmartre, on échappe à la traditionnelle confrontation avec la famille, le jour où on leur suggère, pétri des certitudes de l'adolescence, qu'on ne va pas faire les études idoines pour devenir fondé de pouvoir à la BNP, mais qu'on se voit plutôt un avenir professionnel de saltimbanque.
Pour Thomas Pradeau, ça s'est passé comme ça, dans une fluidité exemplaire : "Je suis né bohémien, c'était tout naturel pour moi de suivre cette voie". l'âge de 5 ans, il commence à chanter dans des chorales, démarre des cours de piano, qu'il arrête très vite parce que le solfège l'ennuie, et que la musique, si ça devient comme l'école, ça n'est pas la peine...
A dix ans, il est habitué aux spectacles amateurs, aux comédies musicales de quartier, il a appris en autodidacte le piano, mais aussi la batterie et la guitare, il vénère Queen, pour son emphase musicale, et Mozart, parce qu'il est le premier punk. D'ailleurs, il a repris les cours de piano, parce que désormais, avec le bagage qu'il s'est constitué, on le laisse jouer ce qu'il veut. 16 ans, c'est l'étape incontournable du groupe de rock, comme un rite de passage dans cette tribu perpétuellement régénérée des ados vaccinés à la musique : Thomas est chanteur et guitariste de Koïnor, qui aura le destin ordinaire des groupes de rock : concerts aléatoires et split au bout du chemin.
Mais il en a profité pour commencer à écrire des chansons, pourquoi s'arrêter là? Le job de veilleur de nuit dans un hôtel est idéal : il permet de payer le loyer, de travailler la musique le jour... Et de la travailler encore la nuit, derrière le comptoir, vu qu'à cette heure-là, dans les hôtels, les clients dorment, en général.
Comme tout artiste en devenir des années 2000, Thomas poste ses maquettes sur son MySpace. C'est là que le repère My Major Company, qui a permis le triomphe de Grégoire et récemment révélé Joyce Jonathan. MMC le contacte et lui propose de rentrer dans son système d'avenir, qui consiste à faire produire son album par une assemblée d'internautes séduits par les chansons proposées sur son site. Il est l'un des pionniers du rooster d'artistes ainsi accouchés par le 2.0, après le désormais triomphal Grégoire. Le temps de réunir 560 producteurs (dont il connaît aujourd'hui une bonne partie, il lui arrive même d'aller boire des coups avec eux), et il est temps d'entrer en studio où il va coréaliser son premier album avec son complice de choix, Giovanni Natale, un alter ego, qui déjà l'accompagne sur scène, et avec lequel il passe un an à polir ses chansons et leur construire à la main un décor tout acoustique.
"C'est un combat, pour de vraies parties instrumentales, avec des surprises". " deux pas de ma rue" est garanti sans programmation, à peine un soupçon de guitare électrique. Mais avec des pianos amples dont on devine qu'ils ont servi de berceau aux mélodies durant leur gestation, des cordes tout en finesse, des accordéons canaille, des guitares en bois aux sons organiques, des percussions savantes mais toujours modestes, l'album convoque la mémoire d'une chanson française AOC. On pense à Brel, au Gainsbourg du Milord L'Arsouille, à cette chanson raffinée qui se concevait avec de vrais arrangements, au temps des Colombier et Goraguer...
Les plus observateurs y trouveront d'infimes traces de Queen, ou d'Higelin, autre maître qui a accompagné toute la croissance de Thomas Pradeau : "Il y a du rock dans l'âme, plutôt que dans le son". Les autres seront quoi qu'il en soit emportés par ces chansons un peu cyniques parfois, qui naissent souvent de jeux sur les mots et leur sonorité, comme une pâte qu'on pétrit, et surtout par cette générosité musicale. "La musique, j'en écoute toute la journée, j'aime apprendre, comprendre, étudier les sonorités... "
En prélude à cet album intime et chaleureux, le single "On nous dit", dévoile un univers nostalgique, un rien désabusé, comme une valse lente qui fait tourbillonner les sens et s'interroger les étoiles.
Si vous passez à deux pas de sa rue, il y a de grandes chances que vous vous fassiez happer par quelques mélodies qui flottent dans l'air, qui vous détourneront de votre route, et vous ne le regretterez pas.